Saturday 26 December 2009

Joyeux Noël !
Merry Christmas !

С Рождеством !

Le mirage Dimitri Medvedev

L’actuel maître du Kremlin est insaisissable : bien qu’il jouisse d’une réputation d’honnête technocrate dans les cercles diplomatiques, le bilan de son premier mandat est digne de l’intransigeance de son mentor, Poutine. Et si Dimitri Medvedev n’était qu’un mirage ?

Dimitri Medvedev titube sur ses skis. Sa descente est pénible, hasardeuse, tandis que Vladimir Poutine slalome sans efforts jusqu’au bout de la piste enneigée. Une fois arrivé en bas, Medvedev, engoncé dans sa combinaison de ski rouge vive, adresse un sourire épuisé aux caméras omniprésentes et propose, essoufflé : « Et si nous allions prendre un thé ? ». Mais Poutine ne l’entend pas de cette oreille et pousse son protégé vers un télésiège : c’est parti pour un nouveau tour de piste.

La scène se passe en 2007. Difficile alors d’imaginer que le rondouillard Medvedev sera choisi par Poutine pour lui succéder comme président de la Fédération Russe. Les candidats au poste sont alors nombreux et redoutables : Sergueï Ivanov, entre autres est réputé pour sa poigne de fer et sa rhétorique acerbe. De quoi plaire à l’homme aux yeux d’acier. Pourtant, Poutine optera pour l’aspect bonhomme et avenant de Medvedev, capable de rassurer un Occident éprouvé, après deux mandats d’intransigeance poutinienne. L’ancien professeur de droit et dirigeant de Gazprom présente plusieurs avantages : non seulement il est attaché aux valeurs démocratiques – ce qui est somme toute assez rare parmi l’élite russe – mais il manie aussi avec virtuosité le jargon diplomatique et les formules de politesse. Face à la douceur de Medvedev, le cœur du diplomate européen fond, lui qui jusque là avait été glacé par la rigueur de Poutine. « Je suis prête à travailler avec lui », déclare Angela Merkel, sous le charme. Pour Marie Jégo, correspondante du journal Le Monde à Moscou, l’opération séduction de Medvedev ne s’est pas limitée aux diplomates mais a touché aussi le monde des médias : « A son arrivée au pouvoir, Medvedev a réuni tous les correspondants étrangers autour d’une table. Il nous a demandé si nous avions des questions et a tenté de répondre à chacune d’entre elles. Il était extrêmement calme et nous avons pu avoir une vraie conversation. Cela aurait été inimaginable du temps de Poutine. »

Des idéaux démocratiques de Medvedev, rien ou peu ont survécu à un an de mandat. « Je ne comprends pas pourquoi Medvedev est perçu comme un libéral en Occident », s’interroge le bloggeur russophile Alexandre Latsa. « Il fait exactement la même politique que Poutine ! ». Parce qu’il sait préserver les apparences et donner l’impression à chaque partie d’avoir remporté un compromis avantageux, Medvedev, sans effrayer outre-mesure l’Union Européenne, réussit à faire passer les politiques phares de Poutine. Fin 2009, le bilan de ses dix-huit premiers mois de mandat est à faire pâlir d’envie Poutine : l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie sont reconnus comme états indépendants par la Russie et l’Union Européenne s’apprête à financer la stratégie énergétique russe en payant de sa poche les gazoducs North Stream et South Stream. Cerise sur le gâteau : que ce soit avec Barack Obama ou avec Nicolas Sarkozy, les relations du président russe sont au beau fixe avec ses homologues, situation méconnue du temps de Vladimir Poutine.

Mais s’il a fait rapidement ses preuves auprès de la communauté internationale, la partie a été plus difficile avec les Russes. Si ces derniers lui ont accordé massivement leurs votes, c’est avant tout parce que Medvedev avait été adoubé par Poutine et que sa volonté de prolonger la politique de son mentor était clairement affichée. Mais reste qu’une fois élu, les Russes restent perplexes quant à leur président. « Il est un peu gros, il n’est pas crédible », expliquait en faisant la moue Maria Smirnova, étudiante en faculté de communication, au lendemain de l’élection de mars 2008. « La Russie a l’habitude d’avoir un président fort, Medvedev paraît vraiment amateur par rapport à Poutine. » Qu’à cela ne tienne, Poutine gommera les derniers défauts de son poulain pour que celui-ci puisse gagner en légitimité auprès de son peuple. Medvedev se met au sport sur les conseils de son mentor devenu coach, et refuse désormais les verres de vodka allègrement proposés lors des visites officielles. Il est loin l’homme qui, en 2004, acceptait avec gourmandise un bonbon de la part du président ukrainien, Leonid Koutchma, lors d’une cérémonie militaire. A force de privations, l’actuel résident du Kremlin a perdu sa brioche et possède une musculature aussi impressionnante que celle de Poutine, de treize ans son aîné. Seules les épaules un peu voûtées du président inquiète encore son mentor, qui lui commande des costumes à épaulettes. Mais Medvedev ne s’est pas contenté de s’approprier de la carrure de Poutine, il a aussi poussé le zèle jusqu’à s’emparer de sa gestuelle et de ses intonations.

Jouant au Pygmalion avec virtuosité, Poutine peut être fier du résultat : Medvedev est un véritable bijou de communication. A l’instar de Janus, il possède deux visages mais sans perdre de sa cohérence : l’un, destiné aux Russes, est celui d’un ectoplasme exécutant les ordres de son mentor avec le sourire et sans ambitions. L’autre, destiné à l’Occident, est celui d’un libéral rêvant de changement– en témoigne son discours à la Douma du 12 novembre 2009 où il pointe les travers de la Russie moderne – et de pouvoir : comme il l’a annoncé à la presse jeudi dernier, il n’exclut pas de se présenter aux élections présidentielles de 2012. Aucun des deux visages présenté par Medvedev ne semble cohérent. Et si le véritable Medvedev n’existait pas ? Et s’il n’était qu’un mirage de communication de Poutine créé de toutes pièces pour les besoins de sa communication ? Une bonne façon de se maintenir au pouvoir sans y perdre au change…


Thursday 3 December 2009

Interview avec DIDIER CHAUDET, réalisée le 30 novembre 2009, soit AVANT le discours d'Obama du 1er décembre


« OBAMA préfère sacrifier la cohérence de sa stratégie en Afghanistan plutôt que sa réélection. »


L’annonce de la nouvelle stratégie militaire de Barack Obama est l’occasion de faire le point sur la guerre en Afghanistan. Didier Chaudet, enseignant à Sciences Po et ancien chercheur à l’IFRI, explique pourquoi ce conflit est devenu en huit ans un bourbier dans lequel risque de s’enliser le président américain.

Selon un sondage de CNN, 62% des Américains considèrent que la guerre ne sera jamais gagnée en Afghanistan. Comment expliquer ce défaitisme ?

Certes, la situation est difficile, voire inquiétante en Afghanistan. Mais si l’opinion publique américaine tient pour acquise la défaite des Alliés, c’est avant tout parce que l’administration Bush lui avait présenté jusqu’à récemment la guerre comme gagnée. Dès 2002, le gouvernementa maquillé la réalité : chaque demi-défaite a été transformée en victoire décisive. Ainsi, fin 2002, l’Opération Anaconda, qui a souffert d’importantes d’erreurs de coordination, a été mis en avant par le Pentagone comme un succès de l’armée américaine. Et cela n’a été ni le premier ni le dernier mensonge de Georges Bush, dont la priorité est vite devenue la guerre en Irak.

En voyant l’Afghanistan disparaître de la Une des journaux, sauf lorsque de bonnes nouvelles tombaient, l’opinion publique américaine ena déduit que la guerre était sur le point d’y être gagnée. Avec l’arrivée de BarackObama, qui a choisi de ne plus mentir sur la situation en Afghanistan, les Américains sont tombés de haut : au moins un quart du pays est tenu par les Talibans et les positions des troupes américaines sont chaque jour menacées. On est loin de la victoire rapide promise par Bush.


Comment expliquer l’échec patent de la guerre menée par Bush ?


Après le choc des attentats du World Trade Center, l’ancien président des Etats-Unis ne pouvait faire autrement que promettre la tête de Ben Laden aux Américains. La guerre en Afghanistan a été décidée dans la précipitation et dans la méconnaissance la plus totale de ce pays. Dès le début, c’est une opération terrestre de grande envergure qui aurait dû être décidée, afin de démanteler les réseaux terroristes. Mais, aveuglé par la théorie de la guerre avec zéro mort – bien pratique pour conserver sa popularité –, Bush a opté pour des bombardements massifs dont les victimes étaient avant tout civiles. Ce qui a mis la population afghane à dos des Etats-Unis.

L’autre grave erreur de Bush a été de se détourner de l’Afghanistan très rapidement, pour l’Irak. Les troupes américaines stationnées en Afghanistan, aux effectifs déjà relativement peu nombreux, ont été déplacées en partie vers l’Irak, en prévision de cette guerre, puis pour tenter de stabiliser ce pays. Les positions des Etats-Unis ont été affaiblies ; les Talibans ont ainsi pu s’imposer de nouveau sur le terrain.

Mais la plus aberrante des erreurs stratégiques de l’ancien président est sans nul doute l’absence d’aides financières autres que militaires. Ce n’est que fin 2004, soit trois ans après le début du conflit afghan, que l’aide américaine s’est réellement fait sentir sur place. Il faut se rappeler que les Taliban ont totalement repris pied en Afghanistan début 2003…


Malgré les erreurs de son prédécesseur, Barack Obama peut-il encore espérer gagner la guerre ?


La force de la nouvelle stratégie d’Obama est d’avoir compris que le nerf de la guerre ne se trouve pas en Afghanistan mais au Pakistan. Ce dernier est dans une position très inconfortable : en cas de départ précipité des Américains, il se retrouve avec un voisin instable qui pourrait choisir de soutenir les Taliban pakistanais. On se retrouverait dans une situation classique de lutte nationaliste : les
Taliban afghans et pakistanais sont pachtounes, or la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan n'a jamais été accepté par le pouvoir afghan. Si certains membres des services secrets pakistanais semblent soutenir les Taliban contre Hamid Karzaï, c'est sans doute par simple patriotisme. Car, en admettant que le soutien pakistanais aux Taliban soit avéré, l’objectif des Pakistanais serait sans doute d'avoir un moyen de contrôle sur Kaboul en cas de désengagement des Américains. Le défi d’Obama est donc de rassurer le Pakistan sur la volonté américaine de mener le combat jusqu'au bout, ainsi que sur sa gestion de l’après-guerre.

L’envoi de 35 000 hommes en Afghanistan est-t-il un élément décisif ?

Bien qu’elle soit la plus cohérente à mes yeux, la stratégie contre-insurrectionnelle choisie par Obaman’a pas les moyens de réussir. Préconisée par le général de l’armée américaine Stanley McChrystal, elle consiste à augmenter les effectifs des troupes terrestres afin d’arrêter la progression des talibans. Or, ce n’est pas 40 000 hommes qu’il faudrait envoyer sur le terrain, mais le double, si l’on espère une action efficace ! Il faudrait également faire un effort accru de reconstruction et d’aide, en Afghanistan comme au Pakistan. Et lancer un processus de paix régional entre Inde, Pakistan, et Afghanistan, les problèmes sécuritaires en Asie du Sud étant tous connectés les uns aux autres. Mais Obama est dans une impasse à cause de l’Irak et de la réticence grandissante des Américains face à la guerre d’Afghanistan. Et comme tout homme politique, Obama préfère sacrifier la cohérence de sa stratégie plutôt que sa réélection.


A.LL.

Saturday 28 November 2009

La stratégie énergétique de Poutine, financée par la France et l’UE

C’est un grand coup que s’apprête à frapper Vladimir Poutine. Alors que l’Union Européenne n’a toujours pas de stratégie énergétique claire, il lui propose de se rallier à celle de la Russie, qui serait pilotée par Gazprom… mais financée par l’UE.

Une proposition osée et pourtant immédiatement encensée par l’Union Européenne. La France, elle non plus, n’a pas résisté aux sirènes de la realpolitik énergétique. Vladimir Poutine, à Paris jeudi et vendredi, peut en être certain : sa visite sera fructueuse en contrats sonnants et trébuchants.

C’est GDF Suez qui a ouvert le feu : la multinationale française souhaite acquérir jusqu’à 9% du gazoduc North Stream, l’un des deux projets de Gazprom. Quant à Henri Proglio, l’actuel PDG d’EDF, il ne dirait pas non à 10% de participation dans le second, South Stream.

Pourquoi un tel empressement de la part de la France ? Après tout, seul 14% du gaz français vient de Russie. Mais cette dernière sait rendre une offre alléchante. Ainsi, GDF Suez se voit gratifié de contrats gaziers à long terme. TOTAL, pour sa part, est sur le point de décrocher un contrat en or : celui de l’exploitation des réserves d’Iamal, en Sibérie, véritable « entrepôt gazier ».

C’est aussi l’échec de la politique énergétique commune de l’Union Européenne qui pousse la France dans les bras de Poutine. Après avoir été pris en otage au cours de la crise du gaz entre l’Ukraine et la Russie, en janvier 2009, les pays membres ont échoué à trouver un consensus sur le projet du gazoduc Nabucco. « Mais d’où viendra le gaz ? », a martelé Poutine, insinuant ainsi que la Russie reste maître de cette précieuse ressource, même si elle est puisée en Asie centrale. Face à l’impossibilité de déloger l’ours russe du terrain énergétique, l’Union Européenne s’est vue obligée de coopérer avec Gazprom.

Un véritable soulagement pour les pays membres comme la Finlande, la Slovaquie ou les pays Baltes, qui dépendent à 100% du gaz russe. Un accord supplémentaire a été signé entre la Russie et l’Ukraine, mettant officiellement fin à la guerre du gaz.

La technologie et les financements européens font gravement défaut à Gazprom pour développer ses projets. En devenant actionnaires des gazoducs russes, les pays membres peuvent se féliciter d’avoir gagné un droit d’ingérence dans la politique énergétique de la Russie. Mais réussiront-ils à l’exercer ? Dans cette association avec l’Union Européenne, la Russie reste encore maître du jeu. Poutine peut déjà s'enorgueillir d’avoir unifié l’Union Européenne autour de ses intérêts.

Sunday 17 May 2009

EUROVISION 2009

En direct de l’Eurovision, dans la salle reservee a la presse, ou la pression monte, monte au fur et a mesure que le vote avance…

Bienvenue au traditionnel festival de kitsch europeen ! Histoire de s’en debarasser une semaine par an, plus de trente pays envoient leur honte nationale artistique chantonner quelques paroles denuees de tout sens a l’Eurovision.

Bien sur, nous avons la un merveilleux exemple de l’integration europeenne avec ses petits voisins, ainsi qu’une jolie preuve que Moscou et le Vieux Continent ont encore beaucoup de choses a se raconter. Plus de mille cinq cents journalistes du monde entier sont venus couvrir les froufrous roses et les longues jambes qu’ont agite devant leurs yeux des artistes surexcites au fond de teint degoulinant. Au detriment de ma santé mentale, déjà mise en peril par une annee de vie en Russie, j’ai moi aussi pris mon carnet et, en bonne apprentie journaliste, je me suis ruee au stade Olympiski pour suivre le show en live.

Mais qui elit-on, au fait ? Car tous rivalisent de non-talent et de kitschatitude. Alors, je me suis permise de vous livrer mon propre ranking. Compte tenu de la sueur depensee par chacun de ces artistes hilarants, je propose qu’ils soient tous recompenses a leur juste valeur.

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Prix de l'artiste le plus SOPORIFIQUE : LITUANIE Chapeau noir et chemisette blanche, air a la Elton John, regard en biais et bouche langoureuse, le brave Lituanien a ete le tout premier a passer. Les baillements ont remplace les applaudissements ; on ne joue pas la carte sobriete au festival du kitsch en toute impunite...

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Prix de l'artiste le plus CHOUCHOUTE par la presse : NORVEGE Qui d'autre que le midinet au violon pouvait recueillir les soupirs enamoures des journalistes ? Sous le charme, ces derniers se sont meme mis a hurler de ferveur et a danser comme des sauvageons, dans la salle de presse, lors du passage d'Alexandrichounet Rybak. Ses grands yeux bruns continueront a nous hanter, meme une fois l'Eurovision terminee. Surtout Loukachenko qui doit se mordre les doigts d'avoir laisse filer celui qui fut un jour bielorusse.

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Prix de l'artiste la plus HARGNEUSE : FRANCE Avec ses yeux bleu acier, Patricia Kaas avait de l'energie a revendre ce soir. Donnee favorite par les sondages, avec plus d'un tiers des intentions de vote d'avance, la belle aurait pu nous decrocher un petit sourire. Au lieu de cela, nous avons eu le droit a des rictus terrifiants et un chagrin d'amour gros comme ca pour notre Pattie nationale. Quand Mamzelle chante le blues decide de passer au hard-rock...

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Prix de l'artiste le plus PEOPLE : ALLEMAGNE Sacres teutons ! Non contents de nous servir un magnifique pantalon brode de paillettes argentees, ils nous offrent en plus une incroyable Dita Van Teese, dont la taille de guepe etait ceinturee d'un corset noir. Allongee sur un canape a la Dali gothique, elle nous a subjugue et a largement sauve la - tres mediocre - performance du Bee Gees wannabee dont nous a gratine l' Allemagne.

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Prix de l'artiste le plus BLING-BLING : UKRAINE Entre les ceinturions strip-teasers et la petite culotte en froufrou rouge, sans oublier l'instant mythique ou la terrible blonde remet en question sa carriere de chanteuse (il etait temps!) pour se mettre a la batterie (heureusement, elle s'arrete vite), l'Ukraine remporte sans hesitation la palme or-plaque, categorie bling-bling. Pour la petite histoire, celle qui nous a gratifie d'horribles cris stridents a mis son appartement en hypotheque afin de pouvoir payer les fastes de son decor. Nous n'avons pas les memes valeurs.

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Tuesday 14 April 2009

"Le papier est roi" et Internet lorgne la couronne.

TOUS MES ARTICLES
parus dans Le Courrier de Russie
DISPONIBLES SUR
http://novosti-iz-rossii.blogspot.com/





Comme le dit si bien Serge July, la presse doit, pour survivre, devenir un"bimédia", fondée sur une version papier et continuée par le biais d'internet.
Voici donc quelques uns des articles que j'ai pu écrire dans le cadre de mon stage au
Courrier de Russie.
Bonne lecture !

Tuesday 10 February 2009

Moscou, aouch ! (nouvelles du front)

[article sans accents, vive les claviers russes.]


Depuis que je suis gamine, je me projette reporter de guerre, flirtant avec les balles et les mots, jouant l'Albert Londres dans les rues de Gaza assiege et crapahutant dans les montagnes tchetchenes a la recherche d'authentiques boeviks a interviewer.

Malheureusement pour moi, il va falloir que je revoie mes ambitions a la baisse. Car cela fait a peine cinq jours que je vis dans un Obshejite russe, et deja, il me semble qu'il me faudra trois a quatre mois d'hospitalisation pour me remettre de cette experience.

Sans rire.

Comme parmi mes improbables lecteurs je me doute bien qu'il n'y ait pas que des russophones, je me permets d'eclairer le sens de ce mot obscur. Obshejite. Non, ce n'est pas un gros mot, mais cela pourrait l'etre. Il s'agit pourtant d'un foyer etudiant de tout ce qui a de plus convenable, sauf qu'il a ete construit selon les lois inherentes de l'ame russe.

Arrivee vendredi a l'aeroport, il est dix-neuf heures quand enfin je m'extirpe des embouteillages moscovites, ma valise de 24 kilos sous le bras et un brave etudiant du HCE sous l'autre. Klavdia (dont je tairai le patronyme) est la matrone du foyer et m'accueille avec une foule de reproches, tout en me refusant l'entree pour cause de non-possession du fameux 'propusk', graal qui aurait du m'etre remis par mon responsable d'etudes, et qui ne l'a pas ete. (sinon ce ne serait pas drole). Peu importe, car voila Klavdia qui deja se calme, radoucie par la boite de chocolats que j'ai pris soin de ramener. On s'installe donc dans son bureau, pour attendre que ma chere colocataire, Aishat de son prenom et tchetchene de sa nationalite, daigne rentrer et ouvrir la porte (il n'y a qu'un seul set de cle).

Minuit arrive et la demoiselle n'est toujours pas rentree. Dans mon for interieur, je me rejouis : chouette chouette chouette, une Russe festive qui va me montrer toutes les arcades du Moscou nocturne ! Mais debarque alors le frere de Aishat, grand, fort, viril comme les tchetchenes de la television russe, et aussi brun que mon Nesquik matinal mais legerement moins cremeux. En effet, Aziz commence par s'insurger que ce soit une "occidentale" cohabite avec sa soeur, au risque de la contaminer par sa conduite "vicieuse" (je cite, le brave garcon croyant que je ne comprenais pas le russe). Ambiance.

Comme il a les cles (nous partageons le frigidaire), je peux enfin poser mes valises et songer a me reposer de mes aventures. Mais a peine la porte s'ouvre qu'une terrible puanteur parvient a nos delicates narines. Ma brave colocataire est partie en vacances pour un mois, laissant des bassines de vaisselle sale et de linge moisi. Sans oublier les cinquante-et-une paires de chaussures - et autant de boites - qui se cachent dans les moindres recoins possibles. Tout cela dans treize metres carres. Heureusement que ladite colocataire n'est pas encore la pour occuper ses 6,5 metres carres reglementaires !

Bref, il est trois heures du matin lorsqu'avec l'aide d'Aziz, nous avons donne un semblant de proprete au taudis qui se trouvait etre ma chambre. Le lendemain, grace a la force de ses muscles, nous avons pu bouger frigo, bureau, et lits superposes, en survivant a six avalanches de boites a chaussures agressives. Et la chambre est devenue vivable, a condition que Aishat ne s'insurge pas a son retour que ses dizaines de nounours vivent leur vie de peluches sous le lit.

Malheureusement, si rentrer dans la chambre 236 n'etait plus un supplice, ce n'etait pas encore le cas du foyer. Situe a trente minutes de metro du centre, et a une heure de mon universite (avec changement), il me faut de plus quinze (sans talons) a vingt (avec talons) minutes pour atteindre ma station de metro et encore un bon quart d'heure de marche jusqu'a mon universite. Faites le calcul. Eh oui, pas moins d'une heure quarante de trajet ! Et aucune marshrutka, aucun bus ou tramway pour alleger mon parcours devenu celui du combattant pour cause de verglas intempestif et temperatures frisquettes. Ce foyer a reussi l'exploit de me convaincre qu'a Nijni-Novgorod, je beneficiais d'infrastructures de transport exceptionnelles.

Quand enfin, je reussis a rentrer avant l'heure de fermeture du foyer (de 01h a 06h), d'autres epreuves m'attendent. Le voisin du dessous qui se prend pour un apprenti DJ et qui a decide que le show musical commencerait a 01h du matin (quand il rentre du travail) et se ferait avec enceintes a vibrations (contre lesquelles meme mes boules quies pour la F1 sont impuissantes). Le voisin du dessus qui a emmenage avec sa petite copine et qui a de folles envies de copulation tous les matins a 04h, - initiatives qui plaisent apparemment beaucoup a la jeune fille. Et quand enfin, ces etres malfaisants decident de se taire, c'est le corridor entier qui se reveille et qui chahute dans la cuisine ou les toilettes. Ou bien c'est mon frigo qui, angoisse par tant de soudain silence, decide de m'emerveiller par son chant gastrique. O joie !

En bref, voila quatre nuits que je n'ai pu dormir qu'a raison de trois heures chaque nuit. Ce qui explique peut-etre pourquoi je me trouve dans l'incapacite de vous faire l'eloge de la vie en communaute estudiantine, et de mettre un mouchoir (une nappe serait plus adaptee) sur ces insomnies a repetition.


Enfin, les visites d'appartement moscovites commencent ce soir, souhaitez moi bonne chance ! Et puisque les statistiques de visite de ce b.l.o.g me semblent plus que satisfaisantes (jusqu'a 100 personnes par semaine! merci a tous !), je me permets une petite annonce a caractere lucratif.



JEUNE FILLE SUPER SYMPA ET TRES RESPONSABLE
ravissante, etudiante a Sciences PO Paris, propre sur soi et dans la cuisine
CHERCHE APPARTEMENT CENTRAL A MOSCOU
c'est-a-dire dans le premier anneau, ou sur la ligne verte
UNE OU DEUX PIECES
car je cherche aussi potentielle colocataire, russo/franco/anglophone
A MOINS DE DIX MINUTES DU METRO
a pied ou en transport
LOYER MENSUEL : de 300$ a 400 $
(a doubler si colocataire se manifeste)


Faites passer le message autour de vous... sauvez moi !
anaisllobet@hotmail.com
ou +7 965 138 25 93






Sinon, je vous promets tres bientot un petit article sur mes recentes discussions avec Aziz. Car ce garcon s'est avere etre finalement adorable, tres accueillant et passionnant dans ses discussions sur la Tchetchenie et la Russie. En realite, la seule chose qui me manquera de ce foyer, ce sont ces personnes extremement gentilles qui habitent dans mon corridor et qui n'ont pas hesite a me tendre la main, un paquet de pates ou un seche-cheveux selon les occasions.


Et pour finir, l'anecdote du jour...
Ma station de metro : station Moteur d'Avion
Le nom de ma rue : rue Energetique
Le grand axe routier a cote : chaussee Enthousiaste.
Ah, ca, ils savaient motiver les ouvriers paresseux, ces sovietiques.