Saturday, 20 March 2010
Géorgie - Un faux reportage qui fait du bruit
La chaîne Imedi avait prévenu d'une courte phrase qu'il s'agissait d'un canular. Un avertissement qui n'a apparemment pas suffi.
(Montage d'images EVN dans le cadre du cours de Valérie Frayssinhes, chef d'édition et d'information à BFM TV)
Tuesday, 19 January 2010
- Les élections ukrainiennes, un match gagnant-gagnant pour la Russie
Dimanche soir, l'Ukraine a voté. Selon des résultats partiels, Viktor Ianoukovitch serait arrivé en tête avec 35,36% des voix, tandis que sa rivale à nattes, Yulia Timochenko, aurait obtenu 25% des suffrages. Un écart important sépare les deux candidats, mais rien n'est joué pour le second tour, qui aura lieu le 7 février 2010. La victoire dépendra surtout de leur capacité à rallier les partisans de Serhiy Tihipko, mais aussi ceux qui préfèrent vendre leurs votes.
En attendant le 7 février, faisons un petit tour dans les villes natales des deux candidats. Yulia Timochenko est née à Dniepropetrovsk, où règne résignation et désillusions. Viktor Ianoukovitch, lui, vient de l'oblast de Donetsk, "cité désincarnée". Dans les deux villes, on n'espère pas grand chose de l'élection présidentielle, si ce n'est de tourner enfin la page de la Révolution Orange.
Car, déçus par le mandat de Iouchtchenko, les Ukrainiens préfèrent oublier "l'esprit de Maydan" (du nom de la place centrale de Kiev où se déroulaient les manifestations de 2004) qui avait mené à son élection. C'est du moins ce qu'affirment l'hebdomadaire L'Express et le quotidien Sud-Ouest. Le Monde, quant à lui, considère au contraire que la Révolution Orange continue de hanter les cœurs ukrainiens.
La grande absente de ce scrutin, c'est bien sûr la Russie. Une stratégie intelligente et cynique, si on en croit ces deux articles du Courrier International. Après tout, le soutien de Poutine à Ianoukovitch avait plutôt compliqué les choses en 2004 ; certains disent même qu'il avait provoqué sa défaite. Depuis, la Russie a compris la leçon et reste en retrait. Les relations russo-ukrainiennes ne peuvent en effet que s'améliorer, que l'élection soit remportée par la belle aux nattes ou par l'ancien protégé russe. En témoigne l'arrivée d'un nouvel ambassadeur russe à Kiev, alors que le poste était vacant depuis août 2009. Dmitri Medvedev aurait attendu l'annonce des résultats du 1er tour, afin d'être bien certain de l'élimination de Iouchtchenko. Quant à ce dernier, il n'avait rien vu venir. (5% des suffrages à peine, quel camouflet tout de même...)
Vous avez zappé un épisode ? Rendez-vous ici si vous n'arrivez pas à vous souvenir de quelle couleur était la révolution ukrainienne (ORANGE ! et ce n'est pas un hasard). Pour un réjouissant bilan des années Iouchtchenko, c'est ici.
- RUSAL : Une introduction en bourse originale mais risquée
15 milliards de dollars de dettes, c'est ce que pèse le géant russe de l'aluminium. Oleg Deripaska, oligarque parmi les plus controversés de Russie (souvenez-vous de sa spectaculaire faillite l'année dernière), n'a pourtant pas hésité à valoriser sa compagnie à 21,1 milliards de dollars, avec le sourire. Une stratégie jugée assez risquée pour que la Bourse de Hong-Kong décide d'écarter les petits porteurs de l'action Rusal. Affaire à suivre.
- Une ONG russe proposée pour le Prix Nobel
La députée norvégienne Erna Solberg a proposé au comité Nobel la candidature de l'ONG russe Mémorial ainsi que celle d'une de ses responsables, Svetlana Gannouchkina. Menacée de mort à plusieurs reprises, Svetlana Gannouchkina est à 84 ans une figure incontournable des droits de l'homme en Russie - même si hors de cette sphère, peu de gens la connaissent.
Pour le président du comité Nobel, le choix risque d'être difficile, et bien plus politique qu'il n'en a l'air. Car Thorbjoern Jagland occupe aussi les fonctions de secrétaire général du Conseil de l'Europe, où la Russie est un acteur central.
- Staline au banc des accusés
Evgueni Djougachvili voit rouge. Son grand-père, un certain Staline, a été reconnu coupable d'avoir orchestré la famine ukrainienne à des fins génocidaires par le SBU (service de sécurité ukrainien) et la justice ukrainienne . Elle avait causé une véritable hécatombe ; certaines régions voyant parfois leur population entière disparaître. L'argument majeur de son petit-fils : "D'un point de vue formel, le génocide, au début des années 30, n'était considéré comme un crime ni en Ukraine ni dans le monde."
La famine de 1933 (ici en images) reste un sujet sensible en Ukraine, où une exposition a été organisée, avec plusieurs délits de falsification. Elle est aussi devenue un sujet de tension entre l'Ukraine et la Russie, qui pourtant n'en manquaient pas.
- Laïcité en Russie : le cri d'alerte de plusieurs ONGs
Pour l'Institut de la liberté de consience (ILC), Mémorial et le groupe Helsinki, la laïcité est en danger en Russie. Les trois ONGs livrent des chiffres effarants : 500 "vérifications" envers les Témoins de Jéhovah et 10 lieux de cultes confisqués à l'Eglise Orthodoxe Autonome. Sans compter les poursuites pour islam extrémisme contre les musulmans, qui ne cessent d'augmenter. Selon Serguey Bourianov, membre de l'ILC, "le bilan de l'année 2009 est catastrophique".
Cultivons-nous :
- Lancement de l'Année de la Russie en France.
Lundi 25 janvier 2010 avait lieu au Quai d'Orsay la cérémonie de lancement de l'Année France-Russie. Un programme qui brille par sa diversité, avec des concerts, des ballets et des expositions par centaines. En attendant que les festivités commencent, le site de l'Année de la Russie en France vous aidera à remplir votre agenda !
- Dommage cependant que les organisateurs se soient contentés d'évoquer la Russie "carte postale" et évoquent à peine la folle jeunesse qui fait les quatre cents coups à Moscou.
Rappelez-vous. Au centre Sakharov, une exposition appelée "Art interdit" réunissait plusieurs dizaines d'oeuvres refusées ailleurs, car trop polémiques. Quatre jours seulement après son ouverture, l'exposition a du fermé, son espace ayant été saccagé, ses oeuvres détruites et ses murs recouverts d'insultes antisémites. Mais c'est le directeur du Centre Sakharov, Andreï Erofeev (lire sa tribune), qui sera arrêté et assigné en justice.
A côté, l'exposition Sainte-Russie paraît bien fade et réductrice...
Objets trouvés :
- On a enfin trouvé la raison des embouteillages dantesques de la capitale moscovite. Jeudi 14 janvier, vers 23h, des clips pornos ont été diffusés sur des écrans publicitaires en pleine ville. Béats, les conducteurs se sont arrêtés pour mieux profiter de cette petite pause cinématographique, causant dès lors de longues queues dans les rues de Moscou. (Il m'est difficile de résister à l'appel d'un mauvais jeu de mots...)
- 51 millions de roubles, soit 1,7 millions de dollars : c'est le prix auquel a été vendue une photo prise par Dmitri Medvedev. En noir et blanc, elle représente le Kremlin de Tobolsk vu du ciel. Pour la directrice de la galerie Photographer.ru, Larisa Grinberg, il s'agit avant tout d'un geste politique, la photo n'étant pas à proprement parler une oeuvre d'art.
- La version russe de l'Épiphanie fait froid dans le dos ! Célébrée dans la nuit du 18 au 19 janvier, la Théophanie permet aux croyants de laver leurs péchés... mais à des conditions extrêmes. Par des températures glaciales (-25°C à Moscou), 65 000 Russes orthodoxes ont plongé dans des fonds baptismaux - pour voir à quoi cela ressemble, cliquez ici - mais aussi dans des lacs ou rivières gelés. Une information communiquée par... le Ministère des Situations d'Urgence.
- Vouloir boire du vin en Russie est souvent un luxe au prix prohibitif. Une bouteille qui coûte 6 euros en France peut être vendue jusqu'à 150 euros à Moscou. Alors pourquoi ? Accord de cartel ou début de monopole ? Le service anti-monopole russe prend l'affaire en main. En attendant, ces graphiques vous permettront de mieux appréhender le marché du vin en Russie, à travers la lorgnette du net.
Bonne nouvelle de la semaine :
- Du changement en Russie ! C'est du moins ce qu'annonce l'hebdomadaire russe Vlast'. Si vous ne comprenez pas le cyrillique, venez par là.
- La Russie veut bien reconstruire l'Afghanistan... à condition que ce soit l'Occident qui paye.
Mauvaise nouvelle de la semaine :
- Le maire de Moscou a une nouvelle fois qualifié les manifestations gays d' "œuvre satanique". Rappelons qu'il s'agit d'un individu isolé, et qui, de surcroît, radote. Sans pour autant être férue des homosexuels, Moscou fait des efforts de tolérance : des magazines gays sont en vente dans les kiosques et plusieurs boîtes gays ont ouvert. Et la communauté est très active sur internet.
LE rendez-vous russe de la semaine :
- Avant-première de "12", film du réalisateur Nikita Mikhalkov
Quand ? Samedi 30 janvier 2010, à 20H.
Où ? Forum des Images, 2 rue du Cinéma, Paris (Métro Les Halles)
- Rencontre avec le réalisateur Nikita Mikhalkov
Quand ? Dimanche 31 janvier 2010, à 17h30.
Où ? Forum des Images, 2 rue du Cinéma, Paris (Métro Les Halles)
- Festival Russenko : rencontres culturelles russophones. Demandez le programme !
Quand ? Du 29 au 31 janvier 2010.
Où ? Au Kremlin-Bicêtre.
- L'Europe et la Russie de la Rus' à Poutine. Dans le cadre des 7èmes journées de l'Histoire de l'Europe.
Quand ? Du 29 au 30 janvier 2010, de 9h30 à 20h.
Où ? à La Sorbonne. 17, rue de Sorbonne, 75005, Paris
Monday, 11 January 2010
REVUE DE WEB sur la RUSSIE
- La reprise du trafic aérien entre la Géorgie et la Russie.
Un avion de la compagnie Georgian Airlines s’est posé depuis la première fois depuis août 2008 sur le sol moscovite. Une sacrée amélioration dans la vie quotidienne des Géorgiens, mais aussi des Russes. Les vols devraient se poursuivre : cinq ont déjà été programmés jusqu'à fin janvier. Un petit pas en avant… à ne pas confondre avec une main tendue. Le Kremlin refuse toujours de se réconcilier avec Mikhaïl Saakachvili, le président géorgien, qui accumule les provocations (« [les Russes] sont nos ennemis ! ») ou encore déboulonne les Monuments soviétiques à la mémoire des soldats tués… Aucun contact officiel n’est prévu, tant que Saakachvili sera au pouvoir – a prévenu Medvedev.
Vous avez zappé un épisode ? En 2006, la Géorgie expulse deux officiers russes soupçonnés d'espionnage. En représailles, la Russie coupe toute liaison ferroviaire, routière ou aérienne avec la Géorgie. Un embargo sur le vin géorgien (dont 80% était vendu en Russie) est voté, et les transferts d'argent sont interdits entre les deux pays. 2 000 Géorgiens auraient été arrêtés puis expulsés depuis. Une situation politique tendue, non sans importantes conséquences économiques.
Scène finale : août 2008, la guerre d'Ossétie du Sud éclate. La suite, vous la connaissez déjà... Mais vous pouvez toujours approfondir vos connaissances ici.
- Le Daghestan, à feu et à sang.
Mercredi 6 janvier 2010, c'est plus de vingt civils et six policiers qui ont trouvé la mort dans un attentat suicide. Pour Medvedev, le seul remède à cette violence endémique qui ensanglante le Daghestan, c'est l'éradication pure et simple : "Il faut tout simplement éliminer ces bandits, le faire fermement, le faire systématiquemement, avec régularité, car malheureusement, le maquis caucasien est toujours vivace", déclare le président russe.
Aussitôt dit, aussitôt fait ! Le FSB annonce dimanche soir avoir abattu deux chefs rebelles et plusieurs de leurs partisans. Marat Kourbanov, celui qu'on surnommait "l'Emir du Daghestan", fait partie des morts.
Euronews offre ici un résumé simple sur une situation compliquée.
Et sur un ton plus léger, Aysor.am nous apprend qu'une chaîne pancaucasienne a vu le jour cette année. Selon la rumeur, la directrice n'est autre que Alla Doudaeva, veuve du premier président tchétchène, Djokhar Doudaev... Un choix intriguant.
- Carrefour quitte le marché russe !
- 2010 commence. C'est l'heure de faire le bilan des "mensonges russophobes" pour Alexandre Latsa... ou de faire des pronostics pour le journal russe Izvestia, ici traduit par Courrier International.
- Plus question pour les Russes de manger du poulet yankee ! Le Kremlin imite l'UE et refuse l'importation du "poulet au chlore" américain. Jusqu'à présent, 35% de la fière volaille provenait des Etats-Unis. Un coup dur pour ces derniers qui préviennent que "les relations entre les Etats-Unis et la Russie pourraient souffrir de [cette] interdiction." En attendant de voir la guerre froide des poulets éclater, voici une petite recette de "Poulet à la russe". Приятного аппетита! [Bon appétit !]
Côté Cinéma :
- (en anglais) Une interview intéressant de Michael Hoffman, réalisateur du film The Last Station qui portera sur la vie de Léon Tolstoï.
- Ivan le Terrible, super-production russe de Pavel Lounguine, sortira sur nos écrans le 13 janvier. Un film à ne pas rater ! En attendant, délectez-vous avec sa bande-annonce...
Objets trouvés :
- Les nouveaux Russes, vous en entendez parler mais vous n'en avez jamais vu...Venez visiter la maison de Igor Korolevich et Nadejda Kadishevaya. (âmes sensibles s'abstenir)
- Après avoir skié ensemble, Poutine et Medvedev partage une virile tasse de thé... Yeux dans les yeux, moufle dans la moufle, tout va bien pour l'aigle bicéphale russe.
A ne pas manquer dans les kiosques :
- L'Express publie un spécial Culture Russe. Des articles passionnants, mais aussi une bonne surprise : un DVD contenant un reportage sur Poutine, avec aussi certains goodies comme le clip Takogo kak Putin ("Un homme comme Poutine").
- Le Courrier International traduit un excellent article du magazine russe Itogui sur les angoisses et phobies de la nouvelle bourgeoisie en Russie.
Bonne nouvelle de la semaine :
- L'année de la Russie en France commence ! Votre programme : ici, là et zdes. Mais surtout, sur mon blog, puisque je ne compte pas en rater une miette !
LE rendez-vous russe de la semaine :
- Au Balzac, concert avec le Cabaret Slave, repas avec Petrossian et projection du film : Nuit de carnaval, 1956 (Карнавальная ночь) de Eldar RIAZANOV...
Quand ? Mardi 12 janvier, de 18h30 à minuit.
Où ? Au Cinéma Balzac, 1 rue Balzac 75008 Paris
Saturday, 26 December 2009
Le mirage Dimitri Medvedev
L’actuel maître du Kremlin est insaisissable : bien qu’il jouisse d’une réputation d’honnête technocrate dans les cercles diplomatiques, le bilan de son premier mandat est digne de l’intransigeance de son mentor, Poutine. Et si Dimitri Medvedev n’était qu’un mirage ?
Dimitri Medvedev titube sur ses skis. Sa descente est pénible, hasardeuse, tandis que Vladimir Poutine slalome sans efforts jusqu’au bout de la piste enneigée. Une fois arrivé en bas, Medvedev, engoncé dans sa combinaison de ski rouge vive, adresse un sourire épuisé aux caméras omniprésentes et propose, essoufflé : « Et si nous allions prendre un thé ? ». Mais Poutine ne l’entend pas de cette oreille et pousse son protégé vers un télésiège : c’est parti pour un nouveau tour de piste.
La scène se passe en 2007. Difficile alors d’imaginer que le rondouillard Medvedev sera choisi par Poutine pour lui succéder comme président de la Fédération Russe. Les candidats au poste sont alors nombreux et redoutables : Sergueï Ivanov, entre autres est réputé pour sa poigne de fer et sa rhétorique acerbe. De quoi plaire à l’homme aux yeux d’acier. Pourtant, Poutine optera pour l’aspect bonhomme et avenant de Medvedev, capable de rassurer un Occident éprouvé, après deux mandats d’intransigeance poutinienne. L’ancien professeur de droit et dirigeant de Gazprom présente plusieurs avantages : non seulement il est attaché aux valeurs démocratiques – ce qui est somme toute assez rare parmi l’élite russe – mais il manie aussi avec virtuosité le jargon diplomatique et les formules de politesse. Face à la douceur de Medvedev, le cœur du diplomate européen fond, lui qui jusque là avait été glacé par la rigueur de Poutine. « Je suis prête à travailler avec lui », déclare Angela Merkel, sous le charme. Pour Marie Jégo, correspondante du journal Le Monde à Moscou, l’opération séduction de Medvedev ne s’est pas limitée aux diplomates mais a touché aussi le monde des médias : « A son arrivée au pouvoir, Medvedev a réuni tous les correspondants étrangers autour d’une table. Il nous a demandé si nous avions des questions et a tenté de répondre à chacune d’entre elles. Il était extrêmement calme et nous avons pu avoir une vraie conversation. Cela aurait été inimaginable du temps de Poutine. »
Des idéaux démocratiques de Medvedev, rien ou peu ont survécu à un an de mandat. « Je ne comprends pas pourquoi Medvedev est perçu comme un libéral en Occident », s’interroge le bloggeur russophile Alexandre Latsa. « Il fait exactement la même politique que Poutine ! ». Parce qu’il sait préserver les apparences et donner l’impression à chaque partie d’avoir remporté un compromis avantageux, Medvedev, sans effrayer outre-mesure l’Union Européenne, réussit à faire passer les politiques phares de Poutine. Fin 2009, le bilan de ses dix-huit premiers mois de mandat est à faire pâlir d’envie Poutine : l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie sont reconnus comme états indépendants par la Russie et l’Union Européenne s’apprête à financer la stratégie énergétique russe en payant de sa poche les gazoducs North Stream et South Stream. Cerise sur le gâteau : que ce soit avec Barack Obama ou avec Nicolas Sarkozy, les relations du président russe sont au beau fixe avec ses homologues, situation méconnue du temps de Vladimir Poutine.
Mais s’il a fait rapidement ses preuves auprès de la communauté internationale, la partie a été plus difficile avec les Russes. Si ces derniers lui ont accordé massivement leurs votes, c’est avant tout parce que Medvedev avait été adoubé par Poutine et que sa volonté de prolonger la politique de son mentor était clairement affichée. Mais reste qu’une fois élu, les Russes restent perplexes quant à leur président. « Il est un peu gros, il n’est pas crédible », expliquait en faisant la moue Maria Smirnova, étudiante en faculté de communication, au lendemain de l’élection de mars 2008. « La Russie a l’habitude d’avoir un président fort, Medvedev paraît vraiment amateur par rapport à Poutine. » Qu’à cela ne tienne, Poutine gommera les derniers défauts de son poulain pour que celui-ci puisse gagner en légitimité auprès de son peuple. Medvedev se met au sport sur les conseils de son mentor devenu coach, et refuse désormais les verres de vodka allègrement proposés lors des visites officielles. Il est loin l’homme qui, en 2004, acceptait avec gourmandise un bonbon de la part du président ukrainien, Leonid Koutchma, lors d’une cérémonie militaire. A force de privations, l’actuel résident du Kremlin a perdu sa brioche et possède une musculature aussi impressionnante que celle de Poutine, de treize ans son aîné. Seules les épaules un peu voûtées du président inquiète encore son mentor, qui lui commande des costumes à épaulettes. Mais Medvedev ne s’est pas contenté de s’approprier de la carrure de Poutine, il a aussi poussé le zèle jusqu’à s’emparer de sa gestuelle et de ses intonations.
Jouant au Pygmalion avec virtuosité, Poutine peut être fier du résultat : Medvedev est un véritable bijou de communication. A l’instar de Janus, il possède deux visages mais sans perdre de sa cohérence : l’un, destiné aux Russes, est celui d’un ectoplasme exécutant les ordres de son mentor avec le sourire et sans ambitions. L’autre, destiné à l’Occident, est celui d’un libéral rêvant de changement– en témoigne son discours à la Douma du 12 novembre 2009 où il pointe les travers de la Russie moderne – et de pouvoir : comme il l’a annoncé à la presse jeudi dernier, il n’exclut pas de se présenter aux élections présidentielles de 2012. Aucun des deux visages présenté par Medvedev ne semble cohérent. Et si le véritable Medvedev n’existait pas ? Et s’il n’était qu’un mirage de communication de Poutine créé de toutes pièces pour les besoins de sa communication ? Une bonne façon de se maintenir au pouvoir sans y perdre au change…
Thursday, 3 December 2009
Interview avec DIDIER CHAUDET, réalisée le 30 novembre 2009, soit AVANT le discours d'Obama du 1er décembre
« OBAMA préfère sacrifier la cohérence de sa stratégie en Afghanistan plutôt que sa réélection. »
L’annonce de la nouvelle stratégie militaire de Barack Obama est l’occasion de faire le point sur la guerre en Afghanistan. Didier Chaudet, enseignant à Sciences Po et ancien chercheur à l’IFRI, explique pourquoi ce conflit est devenu en huit ans un bourbier dans lequel risque de s’enliser le président américain.
Selon un sondage de CNN, 62% des Américains considèrent que la guerre ne sera jamais gagnée en Afghanistan. Comment expliquer ce défaitisme ?
Certes, la situation est difficile, voire inquiétante en Afghanistan. Mais si l’opinion publique américaine tient pour acquise la défaite des Alliés, c’est avant tout parce que l’administration Bush lui avait présenté jusqu’à récemment la guerre comme gagnée. Dès 2002, le gouvernementa maquillé la réalité : chaque demi-défaite a été transformée en victoire décisive. Ainsi, fin 2002, l’Opération Anaconda, qui a souffert d’importantes d’erreurs de coordination, a été mis en avant par le Pentagone comme un succès de l’armée américaine. Et cela n’a été ni le premier ni le dernier mensonge de Georges Bush, dont la priorité est vite devenue la guerre en Irak.
En voyant l’Afghanistan disparaître de la Une des journaux, sauf lorsque de bonnes nouvelles tombaient, l’opinion publique américaine ena déduit que la guerre était sur le point d’y être gagnée. Avec l’arrivée de BarackObama, qui a choisi de ne plus mentir sur la situation en Afghanistan, les Américains sont tombés de haut : au moins un quart du pays est tenu par les Talibans et les positions des troupes américaines sont chaque jour menacées. On est loin de la victoire rapide promise par Bush.
Comment expliquer l’échec patent de la guerre menée par Bush ?
Après le choc des attentats du World Trade Center, l’ancien président des Etats-Unis ne pouvait faire autrement que promettre la tête de Ben Laden aux Américains. La guerre en Afghanistan a été décidée dans la précipitation et dans la méconnaissance la plus totale de ce pays. Dès le début, c’est une opération terrestre de grande envergure qui aurait dû être décidée, afin de démanteler les réseaux terroristes. Mais, aveuglé par la théorie de la guerre avec zéro mort – bien pratique pour conserver sa popularité –, Bush a opté pour des bombardements massifs dont les victimes étaient avant tout civiles. Ce qui a mis la population afghane à dos des Etats-Unis.
L’autre grave erreur de Bush a été de se détourner de l’Afghanistan très rapidement, pour l’Irak. Les troupes américaines stationnées en Afghanistan, aux effectifs déjà relativement peu nombreux, ont été déplacées en partie vers l’Irak, en prévision de cette guerre, puis pour tenter de stabiliser ce pays. Les positions des Etats-Unis ont été affaiblies ; les Talibans ont ainsi pu s’imposer de nouveau sur le terrain.
Mais la plus aberrante des erreurs stratégiques de l’ancien président est sans nul doute l’absence d’aides financières autres que militaires. Ce n’est que fin 2004, soit trois ans après le début du conflit afghan, que l’aide américaine s’est réellement fait sentir sur place. Il faut se rappeler que les Taliban ont totalement repris pied en Afghanistan début 2003…
La force de la nouvelle stratégie d’Obama est d’avoir compris que le nerf de la guerre ne se trouve pas en Afghanistan mais au Pakistan. Ce dernier est dans une position très inconfortable : en cas de départ précipité des Américains, il se retrouve avec un voisin instable qui pourrait choisir de soutenir les Taliban pakistanais. On se retrouverait dans une situation classique de lutte nationaliste : les
Taliban afghans et pakistanais sont pachtounes, or la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan n'a jamais été accepté par le pouvoir afghan. Si certains membres des services secrets pakistanais semblent soutenir les Taliban contre Hamid Karzaï, c'est sans doute par simple patriotisme. Car, en admettant que le soutien pakistanais aux Taliban soit avéré, l’objectif des Pakistanais serait sans doute d'avoir un moyen de contrôle sur Kaboul en cas de désengagement des Américains. Le défi d’Obama est donc de rassurer le Pakistan sur la volonté américaine de mener le combat jusqu'au bout, ainsi que sur sa gestion de l’après-guerre.
L’envoi de 35 000 hommes en Afghanistan est-t-il un élément décisif ?
Bien qu’elle soit la plus cohérente à mes yeux, la stratégie contre-insurrectionnelle choisie par Obaman’a pas les moyens de réussir. Préconisée par le général de l’armée américaine Stanley McChrystal, elle consiste à augmenter les effectifs des troupes terrestres afin d’arrêter la progression des talibans. Or, ce n’est pas 40 000 hommes qu’il faudrait envoyer sur le terrain, mais le double, si l’on espère une action efficace ! Il faudrait également faire un effort accru de reconstruction et d’aide, en Afghanistan comme au Pakistan. Et lancer un processus de paix régional entre Inde, Pakistan, et Afghanistan, les problèmes sécuritaires en Asie du Sud étant tous connectés les uns aux autres. Mais Obama est dans une impasse à cause de l’Irak et de la réticence grandissante des Américains face à la guerre d’Afghanistan. Et comme tout homme politique, Obama préfère sacrifier la cohérence de sa stratégie plutôt que sa réélection.
A.LL.
Saturday, 28 November 2009
La stratégie énergétique de Poutine, financée par la France et l’UE
C’est un grand coup que s’apprête à frapper Vladimir Poutine. Alors que l’Union Européenne n’a toujours pas de stratégie énergétique claire, il lui propose de se rallier à celle de la Russie, qui serait pilotée par Gazprom… mais financée par l’UE.
Une proposition osée et pourtant immédiatement encensée par l’Union Européenne. La France, elle non plus, n’a pas résisté aux sirènes de la realpolitik énergétique. Vladimir Poutine, à Paris jeudi et vendredi, peut en être certain : sa visite sera fructueuse en contrats sonnants et trébuchants.
C’est GDF Suez qui a ouvert le feu : la multinationale française souhaite acquérir jusqu’à 9% du gazoduc North Stream, l’un des deux projets de Gazprom. Quant à Henri Proglio, l’actuel PDG d’EDF, il ne dirait pas non à 10% de participation dans le second, South Stream.
Pourquoi un tel empressement de la part de la France ? Après tout, seul 14% du gaz français vient de Russie. Mais cette dernière sait rendre une offre alléchante. Ainsi, GDF Suez se voit gratifié de contrats gaziers à long terme. TOTAL, pour sa part, est sur le point de décrocher un contrat en or : celui de l’exploitation des réserves d’Iamal, en Sibérie, véritable « entrepôt gazier ».
C’est aussi l’échec de la politique énergétique commune de l’Union Européenne qui pousse la France dans les bras de Poutine. Après avoir été pris en otage au cours de la crise du gaz entre l’Ukraine et la Russie, en janvier 2009, les pays membres ont échoué à trouver un consensus sur le projet du gazoduc Nabucco. « Mais d’où viendra le gaz ? », a martelé Poutine, insinuant ainsi que la Russie reste maître de cette précieuse ressource, même si elle est puisée en Asie centrale. Face à l’impossibilité de déloger l’ours russe du terrain énergétique, l’Union Européenne s’est vue obligée de coopérer avec Gazprom.
Un véritable soulagement pour les pays membres comme la Finlande, la Slovaquie ou les pays Baltes, qui dépendent à 100% du gaz russe. Un accord supplémentaire a été signé entre la Russie et l’Ukraine, mettant officiellement fin à la guerre du gaz.
La technologie et les financements européens font gravement défaut à Gazprom pour développer ses projets. En devenant actionnaires des gazoducs russes, les pays membres peuvent se féliciter d’avoir gagné un droit d’ingérence dans la politique énergétique de la Russie. Mais réussiront-ils à l’exercer ? Dans cette association avec l’Union Européenne, la Russie reste encore maître du jeu. Poutine peut déjà s'enorgueillir d’avoir unifié l’Union Européenne autour de ses intérêts.