Sunday, 5 October 2008

"N'oublie pas ton appareil photo !"

Les Russes et la photographie... toute une histoire d'amour ! A condition qu'elle serve de support à une autre bien plus profonde et inaltérable : celle que ces demoiselles ont pour leur propre image.

La Russe aime se regarder dans un miroir. D'ailleurs, chaque jeune fille digne de ce substantif en possède un, tapis dans sa trousse ou ostensiblement accroché autour de son cou. La retouche maquillage-coiffure-bouton-d'acné se fait dans le couloir, sans aucune pudeur : et d'ailleurs, pourquoi donc avoir honte de ce signe de coquetterie puisque c'est cela même qui ravit le coeur des mâles russes ?

La photographie offre un avantage imparable par rapport au miroir : l'image persiste, peut s'afficher sur Vkontakte ou sur un autre site de parade sociale, sans oublier que Photoshop aidera à gommer cette saleté de pustule qui se prend pour une pastille de henné.

Jusqu'à présent, tout semble similaire à l'attitude des jeunes filles européennes.

Mais avez-vous déjà assisté à une fête d'anniversaire où l'on arrête tout (le repas entre autres, à mon grand désespoir !) afin de se consacrer pendant une demi-heure à des poses des plus bienséantes aux plus outrageuses (et je ne vous promets que je ne vous la joue pas mère-Anaïs -effarouchée-par-tant-de-décadence-priez-Seigneur). Ou autre situation qui m'a révélé en un éclair toute l'importance que prend l'appareil photo dans la société russe actuelle : après avoir visité Bolshoe Boldina (la demeure estivale de ce cher Poushkine) en long et en large, ma famille russe m'annonce que c'est reparti pour un tour, exclusivement consacré aux photos. Et me voilà posant à côté d'une statue de Poushkine, alors que d'autres jeunes filles piaffent d'impatience pour pouvoir enfin prendre, elles aussi, la photo qui ornera leur page d'accueil Vkontakte.
Ou autre situation hautement représentative de cet engouement russe : alors que nous dansons innocemment sur le dancefloor d'une de nos soirées, une de nos amies se refuse à trémousser du popotin et préfère nous mitrailler de flashs intempestifs. Je m'indigne de cet état des choses lorsque l'on me rétorque : "Laisse donc faire, il faut bien que quelqu'un prenne des photos de cette soirée !". Certes, mais de là à remplir trois mémoristicks de suite...

Si encore les photos prises reflétaient des situations normales, sans artifices et où les sourires ne sont pas soit crispés soit glossés à mort, je serais ravie d'avoir une telle anthologie de mes moindres faits et gestes en compagnie de jeunes filles russes. Mais voilà, ces dernières considèrent qu'une bonne photo est une photo sexy. Que dis-je, sexy ? Grivoise.
Il s'agit donc de bomber les seins, arquer les fesses, regarder langoureusement le pauvre appareil photo qui ne sait dès lors où donner la tête, enfin, l'objectif. Les lèvres dégoulinent de paillettes, les cheveux sont plaqués à la laque, les bottes sont vertigineuses et les cuisses emprisonnées entre deux épaisseurs de bas résilles.
Et ça s'embrasse, et ça simule, et ça orgasme, et ça prend des poses de plus en plus incongrues. Puis sans le moindre complexe, le lendemain matin, on retrouve des "photos-dossiers" sur Vkontakte. Dieu merci, étant donné ma pauvre capacité à prendre de telles poses, je n'ai pas encore eu ma réputation entachée.

L'amour des Russes pour la photographie portraitiste est indéniable. Mais il est néanmoins sujet à certaines nuances. Bien que je n'aie pas encore passée une seule soirée sans que l'on me téléphone pour que je pense à prendre mon appareil photo, il y en a tout de même quelques unes où la traditionnelle demi-heure de flashs crépitants se termine au bout de quelques minutes et davantage sans faux-semblants.





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