[article sans accents, vive les claviers russes.]
Depuis que je suis gamine, je me projette reporter de guerre, flirtant avec les balles et les mots, jouant l'Albert Londres dans les rues de Gaza assiege et crapahutant dans les montagnes tchetchenes a la recherche d'authentiques boeviks a interviewer.
Malheureusement pour moi, il va falloir que je revoie mes ambitions a la baisse. Car cela fait a peine cinq jours que je vis dans un Obshejite russe, et deja, il me semble qu'il me faudra trois a quatre mois d'hospitalisation pour me remettre de cette experience.
Sans rire.
Comme parmi mes improbables lecteurs je me doute bien qu'il n'y ait pas que des russophones, je me permets d'eclairer le sens de ce mot obscur. Obshejite. Non, ce n'est pas un gros mot, mais cela pourrait l'etre. Il s'agit pourtant d'un foyer etudiant de tout ce qui a de plus convenable, sauf qu'il a ete construit selon les lois inherentes de l'ame russe.
Arrivee vendredi a l'aeroport, il est dix-neuf heures quand enfin je m'extirpe des embouteillages moscovites, ma valise de 24 kilos sous le bras et un brave etudiant du HCE sous l'autre. Klavdia (dont je tairai le patronyme) est la matrone du foyer et m'accueille avec une foule de reproches, tout en me refusant l'entree pour cause de non-possession du fameux 'propusk', graal qui aurait du m'etre remis par mon responsable d'etudes, et qui ne l'a pas ete. (sinon ce ne serait pas drole). Peu importe, car voila Klavdia qui deja se calme, radoucie par la boite de chocolats que j'ai pris soin de ramener. On s'installe donc dans son bureau, pour attendre que ma chere colocataire, Aishat de son prenom et tchetchene de sa nationalite, daigne rentrer et ouvrir la porte (il n'y a qu'un seul set de cle).
Minuit arrive et la demoiselle n'est toujours pas rentree. Dans mon for interieur, je me rejouis : chouette chouette chouette, une Russe festive qui va me montrer toutes les arcades du Moscou nocturne ! Mais debarque alors le frere de Aishat, grand, fort, viril comme les tchetchenes de la television russe, et aussi brun que mon Nesquik matinal mais legerement moins cremeux. En effet, Aziz commence par s'insurger que ce soit une "occidentale" cohabite avec sa soeur, au risque de la contaminer par sa conduite "vicieuse" (je cite, le brave garcon croyant que je ne comprenais pas le russe). Ambiance.
Comme il a les cles (nous partageons le frigidaire), je peux enfin poser mes valises et songer a me reposer de mes aventures. Mais a peine la porte s'ouvre qu'une terrible puanteur parvient a nos delicates narines. Ma brave colocataire est partie en vacances pour un mois, laissant des bassines de vaisselle sale et de linge moisi. Sans oublier les cinquante-et-une paires de chaussures - et autant de boites - qui se cachent dans les moindres recoins possibles. Tout cela dans treize metres carres. Heureusement que ladite colocataire n'est pas encore la pour occuper ses 6,5 metres carres reglementaires !
Bref, il est trois heures du matin lorsqu'avec l'aide d'Aziz, nous avons donne un semblant de proprete au taudis qui se trouvait etre ma chambre. Le lendemain, grace a la force de ses muscles, nous avons pu bouger frigo, bureau, et lits superposes, en survivant a six avalanches de boites a chaussures agressives. Et la chambre est devenue vivable, a condition que Aishat ne s'insurge pas a son retour que ses dizaines de nounours vivent leur vie de peluches sous le lit.
Malheureusement, si rentrer dans la chambre 236 n'etait plus un supplice, ce n'etait pas encore le cas du foyer. Situe a trente minutes de metro du centre, et a une heure de mon universite (avec changement), il me faut de plus quinze (sans talons) a vingt (avec talons) minutes pour atteindre ma station de metro et encore un bon quart d'heure de marche jusqu'a mon universite. Faites le calcul. Eh oui, pas moins d'une heure quarante de trajet ! Et aucune marshrutka, aucun bus ou tramway pour alleger mon parcours devenu celui du combattant pour cause de verglas intempestif et temperatures frisquettes. Ce foyer a reussi l'exploit de me convaincre qu'a Nijni-Novgorod, je beneficiais d'infrastructures de transport exceptionnelles.
Quand enfin, je reussis a rentrer avant l'heure de fermeture du foyer (de 01h a 06h), d'autres epreuves m'attendent. Le voisin du dessous qui se prend pour un apprenti DJ et qui a decide que le show musical commencerait a 01h du matin (quand il rentre du travail) et se ferait avec enceintes a vibrations (contre lesquelles meme mes boules quies pour la F1 sont impuissantes). Le voisin du dessus qui a emmenage avec sa petite copine et qui a de folles envies de copulation tous les matins a 04h, - initiatives qui plaisent apparemment beaucoup a la jeune fille. Et quand enfin, ces etres malfaisants decident de se taire, c'est le corridor entier qui se reveille et qui chahute dans la cuisine ou les toilettes. Ou bien c'est mon frigo qui, angoisse par tant de soudain silence, decide de m'emerveiller par son chant gastrique. O joie !
En bref, voila quatre nuits que je n'ai pu dormir qu'a raison de trois heures chaque nuit. Ce qui explique peut-etre pourquoi je me trouve dans l'incapacite de vous faire l'eloge de la vie en communaute estudiantine, et de mettre un mouchoir (une nappe serait plus adaptee) sur ces insomnies a repetition.
Enfin, les visites d'appartement moscovites commencent ce soir, souhaitez moi bonne chance ! Et puisque les statistiques de visite de ce b.l.o.g me semblent plus que satisfaisantes (jusqu'a 100 personnes par semaine! merci a tous !), je me permets une petite annonce a caractere lucratif.
Sinon, je vous promets tres bientot un petit article sur mes recentes discussions avec Aziz. Car ce garcon s'est avere etre finalement adorable, tres accueillant et passionnant dans ses discussions sur la Tchetchenie et la Russie. En realite, la seule chose qui me manquera de ce foyer, ce sont ces personnes extremement gentilles qui habitent dans mon corridor et qui n'ont pas hesite a me tendre la main, un paquet de pates ou un seche-cheveux selon les occasions.
Malheureusement pour moi, il va falloir que je revoie mes ambitions a la baisse. Car cela fait a peine cinq jours que je vis dans un Obshejite russe, et deja, il me semble qu'il me faudra trois a quatre mois d'hospitalisation pour me remettre de cette experience.
Sans rire.
Comme parmi mes improbables lecteurs je me doute bien qu'il n'y ait pas que des russophones, je me permets d'eclairer le sens de ce mot obscur. Obshejite. Non, ce n'est pas un gros mot, mais cela pourrait l'etre. Il s'agit pourtant d'un foyer etudiant de tout ce qui a de plus convenable, sauf qu'il a ete construit selon les lois inherentes de l'ame russe.
Arrivee vendredi a l'aeroport, il est dix-neuf heures quand enfin je m'extirpe des embouteillages moscovites, ma valise de 24 kilos sous le bras et un brave etudiant du HCE sous l'autre. Klavdia (dont je tairai le patronyme) est la matrone du foyer et m'accueille avec une foule de reproches, tout en me refusant l'entree pour cause de non-possession du fameux 'propusk', graal qui aurait du m'etre remis par mon responsable d'etudes, et qui ne l'a pas ete. (sinon ce ne serait pas drole). Peu importe, car voila Klavdia qui deja se calme, radoucie par la boite de chocolats que j'ai pris soin de ramener. On s'installe donc dans son bureau, pour attendre que ma chere colocataire, Aishat de son prenom et tchetchene de sa nationalite, daigne rentrer et ouvrir la porte (il n'y a qu'un seul set de cle).
Minuit arrive et la demoiselle n'est toujours pas rentree. Dans mon for interieur, je me rejouis : chouette chouette chouette, une Russe festive qui va me montrer toutes les arcades du Moscou nocturne ! Mais debarque alors le frere de Aishat, grand, fort, viril comme les tchetchenes de la television russe, et aussi brun que mon Nesquik matinal mais legerement moins cremeux. En effet, Aziz commence par s'insurger que ce soit une "occidentale" cohabite avec sa soeur, au risque de la contaminer par sa conduite "vicieuse" (je cite, le brave garcon croyant que je ne comprenais pas le russe). Ambiance.
Comme il a les cles (nous partageons le frigidaire), je peux enfin poser mes valises et songer a me reposer de mes aventures. Mais a peine la porte s'ouvre qu'une terrible puanteur parvient a nos delicates narines. Ma brave colocataire est partie en vacances pour un mois, laissant des bassines de vaisselle sale et de linge moisi. Sans oublier les cinquante-et-une paires de chaussures - et autant de boites - qui se cachent dans les moindres recoins possibles. Tout cela dans treize metres carres. Heureusement que ladite colocataire n'est pas encore la pour occuper ses 6,5 metres carres reglementaires !
Bref, il est trois heures du matin lorsqu'avec l'aide d'Aziz, nous avons donne un semblant de proprete au taudis qui se trouvait etre ma chambre. Le lendemain, grace a la force de ses muscles, nous avons pu bouger frigo, bureau, et lits superposes, en survivant a six avalanches de boites a chaussures agressives. Et la chambre est devenue vivable, a condition que Aishat ne s'insurge pas a son retour que ses dizaines de nounours vivent leur vie de peluches sous le lit.
Malheureusement, si rentrer dans la chambre 236 n'etait plus un supplice, ce n'etait pas encore le cas du foyer. Situe a trente minutes de metro du centre, et a une heure de mon universite (avec changement), il me faut de plus quinze (sans talons) a vingt (avec talons) minutes pour atteindre ma station de metro et encore un bon quart d'heure de marche jusqu'a mon universite. Faites le calcul. Eh oui, pas moins d'une heure quarante de trajet ! Et aucune marshrutka, aucun bus ou tramway pour alleger mon parcours devenu celui du combattant pour cause de verglas intempestif et temperatures frisquettes. Ce foyer a reussi l'exploit de me convaincre qu'a Nijni-Novgorod, je beneficiais d'infrastructures de transport exceptionnelles.
Quand enfin, je reussis a rentrer avant l'heure de fermeture du foyer (de 01h a 06h), d'autres epreuves m'attendent. Le voisin du dessous qui se prend pour un apprenti DJ et qui a decide que le show musical commencerait a 01h du matin (quand il rentre du travail) et se ferait avec enceintes a vibrations (contre lesquelles meme mes boules quies pour la F1 sont impuissantes). Le voisin du dessus qui a emmenage avec sa petite copine et qui a de folles envies de copulation tous les matins a 04h, - initiatives qui plaisent apparemment beaucoup a la jeune fille. Et quand enfin, ces etres malfaisants decident de se taire, c'est le corridor entier qui se reveille et qui chahute dans la cuisine ou les toilettes. Ou bien c'est mon frigo qui, angoisse par tant de soudain silence, decide de m'emerveiller par son chant gastrique. O joie !
En bref, voila quatre nuits que je n'ai pu dormir qu'a raison de trois heures chaque nuit. Ce qui explique peut-etre pourquoi je me trouve dans l'incapacite de vous faire l'eloge de la vie en communaute estudiantine, et de mettre un mouchoir (une nappe serait plus adaptee) sur ces insomnies a repetition.
Enfin, les visites d'appartement moscovites commencent ce soir, souhaitez moi bonne chance ! Et puisque les statistiques de visite de ce b.l.o.g me semblent plus que satisfaisantes (jusqu'a 100 personnes par semaine! merci a tous !), je me permets une petite annonce a caractere lucratif.
JEUNE FILLE SUPER SYMPA ET TRES RESPONSABLE
ravissante, etudiante a Sciences PO Paris, propre sur soi et dans la cuisine
CHERCHE APPARTEMENT CENTRAL A MOSCOU
c'est-a-dire dans le premier anneau, ou sur la ligne verte
UNE OU DEUX PIECES
car je cherche aussi potentielle colocataire, russo/franco/anglophone
A MOINS DE DIX MINUTES DU METRO
a pied ou en transport
LOYER MENSUEL : de 300$ a 400 $
(a doubler si colocataire se manifeste)
Faites passer le message autour de vous... sauvez moi !
anaisllobet@hotmail.com
ou +7 965 138 25 93
ravissante, etudiante a Sciences PO Paris, propre sur soi et dans la cuisine
CHERCHE APPARTEMENT CENTRAL A MOSCOU
c'est-a-dire dans le premier anneau, ou sur la ligne verte
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car je cherche aussi potentielle colocataire, russo/franco/anglophone
A MOINS DE DIX MINUTES DU METRO
a pied ou en transport
LOYER MENSUEL : de 300$ a 400 $
(a doubler si colocataire se manifeste)
Faites passer le message autour de vous... sauvez moi !
anaisllobet@hotmail.com
ou +7 965 138 25 93
Sinon, je vous promets tres bientot un petit article sur mes recentes discussions avec Aziz. Car ce garcon s'est avere etre finalement adorable, tres accueillant et passionnant dans ses discussions sur la Tchetchenie et la Russie. En realite, la seule chose qui me manquera de ce foyer, ce sont ces personnes extremement gentilles qui habitent dans mon corridor et qui n'ont pas hesite a me tendre la main, un paquet de pates ou un seche-cheveux selon les occasions.
Et pour finir, l'anecdote du jour...
Ma station de metro : station Moteur d'Avion
Le nom de ma rue : rue Energetique
Le grand axe routier a cote : chaussee Enthousiaste.
Ah, ca, ils savaient motiver les ouvriers paresseux, ces sovietiques.
Ma station de metro : station Moteur d'Avion
Le nom de ma rue : rue Energetique
Le grand axe routier a cote : chaussee Enthousiaste.
Ah, ca, ils savaient motiver les ouvriers paresseux, ces sovietiques.
1 comment:
sympa ce blog, courage anais :)
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